Germain Huby

Kiss the Camera / Série photographique / depuis 2014

Avec cette série photographique, je poursuivis le processus de récupération de ce que j’appelle les images orphelines. Ce sont des images qui circulent dans le flux, dans le réseau, mais sans jamais trouver un support où s’ancrer, où se fixer pour toujours. Elles sont évanescentes, consommables immédiatement, jetables, elles ne sont pas destinées à l’archivage ou à la rediffusion. Elles sont vouées à l’oubli. Pourtant ces images peuvent faire oeuvre, elles ont été pensées, construites, modifiées, ajustées, réajustées, elles renferment des qualités plastiques indéniables et portent un nombre infini d’indices, de signes qui font sens. Elles portent des heureux hasards, des accidents, des décalages, elles témoignent de l’humain, dans ses pratiques, sa détresse, sa beauté.

Depuis 2014, j’effectue un travail de captation photographique de ses images produites par les camgirls. Ce sont des images d’images qui fonctionnent comme une collecte dans un premier temps, un prélèvement archivable, une sauvegarde. Ces images ne sont plus orphelines, elles sont revendiquées, inscrites sur un support, visibles. Cette collection, qui se compose de centaines de clichés, trouve petit à petit sa forme dans la série Kiss the Camera.

J’ai fait le choix de l’image fixe pour leur donner un nouveau statut, pour les arrêter dans le temps, pour révéler et figer ce qui ne pouvait pas être vu dans le mouvement, dans le flux, dans la disparition. Je les ai débarrassées de la couleur qui fonctionnait comme un appât et produisait une diversion trop importante. Avec le noir et blanc, le regard change, l’image se livre différemment, des éléments moins visibles reviennent au premier plan et participent à une nouvelle lecture. Il y a un rééquilibrage des valeurs.

Cette création en cours est un long processus qui s’écrit comme un récit possible, le récit d’un autre récit.

« Quand on veut ou quand on doit aujourd’hui faire quelque chose de nouveau, on ne peut pratiquement pas faire des images : plutôt des images d’images. » Harun Farocki

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